Fabienne Grebert

Fabienne Grebert

Campus Numérique de la Région Auvergne Rhône-Alpes ou les dangers d’un enseignement supérieur privé, financé par vos impôts.

Laurent Wauquiez et Juliette Jarry avaient lancé en janvier dernier leur feuille de route numérique, à grands renforts de medias et de têtes d’affiches nationales. Xavier Niel, le charismatique patron de Free et fondateur de l’école 42, était venu annoncer l’implantation de son école pour développeurs informatiques sur le tout nouveau campus numérique. On pouvait accueillir cette nouvelle avec bienveillance et intérêt, mais l’autre côté du tableau est bien plus obscur: formations payantes sur des métiers en tension, un modèle économique indéfini et surtout un projet sans vision dont la seule ambition est la culture du chiffre. 

 

Site provisoire du futur Campus Numérique à Confluences

Un modèle d’enseignement supérieur à généraliser au plan national, sous l’ère Fillon?

C’est bien la question qu’on est amené à se poser quand on découvre le détail du Campus Numérique de Laurent Wauquiez. Il s’agissait de « créer un pôle européen, avec des filières d’excellence, complémentaires aux formations existantes sur le territoire, pour créer un écosystème à visée internationale ».  En fait, tout ça est resté couché sur le papier car l’important est ailleurs : vanter la rapidité avec laquelle on aura monté les formations et le nombre mirobolant d’étudiants formés. On nous en annonce 550 mais curieusement les organismes de formation qui pourront bénéficier des mètres carrés et des moyens mis à disposition par la Région n’en disent encore rien sur leur site internet. C’est pourtant le moment pour les étudiants de choisir leur orientation pour septembre et de connaître le prix qu’il leur en coutera ;  pas un mot non plus sur le coût des formations.

Je me suis étonnée en commission numérique de l’absence des acteurs publics de l’enseignement supérieur. On m’a répondu qu’ils n’avaient pas candidaté à l’appel à projets ; ont-ils seulement été sollicités ?  A moins que l’Université ait refusé de bâcler une proposition dans le délai de réponse de 15 jours imposé.

 

La seule chose que l’on sait c’est que pour le moment, il en coûtera dans un premier temps 2,5 M€ pour les investissements et 2,5 millions  chaque année pour faire fonctionner le campus.  On ne sait rien des conditions financières entre la Région et les entreprises habilitées à dispenser des formations sur le Campus. On comprend l’urgence de développement de formations pour des métiers en tension.  Mais on ne dit rien des conditions de recrutement des organismes de formation (CESI, EM LYON), pour certains inconnus au bataillon ( IT Akademy, Digital Campus) .  Peut-être s’agit-il d’expérimenter un modèle économique alternatif aux formations publiques, que la droite entend bien ouvrir le plus largement possible au Marché.

 

 

 

Un écosystème fondateur d’un nouveau projet de société ?

Alors la critique est facile mais à force de confondre vitesse et précipitation, on en perd l’essentiel. Comment créer une cohérence pédagogique et une complémentarité entre des organisations aussi éloignées qu’IT Akademy et l’EM Lyon? Comment imaginer des passerelles d’un parcours à un autre entre des organismes privés qui seront bien plus enclins à préserver leur portefeuille de clients ? Comment développer la vocation européenne de ce campus, la complémentarité avec les pôles numériques du territoire et les pôles universitaires ? Il ne s’agit de mettre sous le même toit des organismes de formation et des associations comme Espace Numérique Entreprise pour créer un écosystème où les acteurs se fertilisent les uns les autres.  Le rapport ne définit en rien les conditions d’animation de ce Campus et le résultat pourrait bien être une coquille vide sans âme.  Il y a tant à créer pour faire du numérique un instrument de transformation de notre société au service d’une économie collaborative, de nouveaux modèles économiques, de valeurs d’échanges, de partage, de troc …. Il y a tant de compétences transversales à développer pour susciter de nouvelles activités générées par les data sciences et l’ouverture des données ; Il y a tant de comportements à cultiver pour susciter des pratiques de démocratie participative, des applications mises au service des territoires ruraux, et du bien-être collectif. Rien n’est dit sur les conditions pour faire émerger de tels projets. A défaut, le campus numérique pourrait bien être le symbole de pratiques politiques à bout de souffle et d’une économie dont le seul profit économique ne peut constituer la raison d’être.

 

 



27/03/2017
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